mardi, février 07, 2006

Lost in translation : hymne à la pudeur affolée

Bob arrive à Tokyo. Lui est un acteur américain en plein dans sa « mid-life crisis », comme le lui balancera en souriant la jolie Charlotte. Il vient faire une campagne publicitaire pour du whisky. Elle, jeune diplômée en philosophie de Yale, vient à peine de rentrer dans l’âge adulte. Elle accompagne son mari, un jeune photographe branché.

D’abord, Tokyo leur apparaît être une ville clinquante et frénétique aussi bien dans ses lumières que par l’agitation des foules qui s’amassent sur ses trottoirs. Tokyo est aussi, à leurs yeux, une ville incompréhensible dans laquelle ils ne font que se cogner sans réussir à pénétrer ses secrets et ses atmosphères intimes. D’ailleurs, la scène où Charlotte se cogne le pied et s’abîme l’orteil le matérialise, la capitale leur est hostile.

Ils vont se croiser dans cet hôtel luxueux et froid. Leur rencontre impose délicatement de la poésie dans leurs deux vies. Jamais ils ne se livreront, jamais leur fusion ne sera charnelle. Tout passe en filigrane à travers la simplicité touchante de leurs dialogues, la grâce de leurs regards. Leurs yeux se croisent, se caressent, se pénètrent. Ce duo, aux tonalités mineures et aux accents pudiques va mener le film de manière lumineuse. Le jeu des acteurs est exact. Charlotte est splendide. Sa voix chaude et ses mots calculés lui donnent la force d’une vraie dame. Ils viennent décorer son personnage fragile, sa beauté effacée. Quand elle marche, elle caresse le béton tant elle ressemble à un ange. Elle contrebalance la classe et la puissance de Bob et aussi son expression désabusée. C’est un romantique. Mais, quand il trompe sa femme, ce n’est pas avec Charlotte, la jeune fille aux cheveux brillants, c’est avec une femme qui ne l’intéresse pas.

Au fur et à mesure qu’ils dansent ses rythmes bancals, la capitale va changer de visage. Elle devient le sanctuaire où les cœurs se bouleversent et l’atmosphère se réchauffe. La retenue reste pourtant intacte et ajoute au charme de ce conte.
Amour étouffé. Il célèbre la perfection fébrile de Charlotte, la complexité attendrissante de Bob et le caractère d’une capitale qui ne ressemble pas à la nôtre. Finalement, c’est un tourbillon enchanté qui nous aura emporté avec lui.

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