lundi, mars 19, 2007

Mais pourquoi à cette période précisément ?


Hier, avachis sur les canapés d'un bar très tel-avivien rue Lilienblum, nous avons abordé un sujet pour le moins intéressant : mais pourquoi êtes-vous venus, pourquoi à cette période ?

Je ne m'adressais évidemment pas à la foule de gens venus de tous les pays pour un tas de raisons différentes (échange universitaire, alya, petit/e copain/ine en Israël, ulpan...). Non, je parlais à D., mon pote allemand ainsi qu'à P., le pote de D. venu lui rendre visite pour deux semaines.

En septembre 2002, quand des bombes explosaient de partout en Israël, les deux jeunes gens -non juifs, les juifs ashkénazes en Allemagne sont dispensés de service - alors âgés de 19 ou 20 ans ont décidé de faire leur service civil en terre promise.

En Allemagne, le service militaire est obligatoire pour les garçons. Au lieu de s'enrôler dans l'armée, les jeunes peuvent décider un service civile à l'étranger. Plus court. Non militaire. On comprend leur enthousiasme.

Oui mais voilà, prendre la décision de venir passer une année en Israël quand les bombes sautent, c'est un choix que je n'aurais, moi-même, pas fait. Et pourtant, mon amour pour Israël est irrationnel.

Alors je leur ai demandé à D. et à P.
Je leur ai dit que je comprenais bien les raisons qui les avaient amenés ici théoriquement. Mais je leur ai aussi dit qu'en pratique, ça me paraissait invraisemblable que de jeunes garçons prennent une décison pareille.
Et au fond de leurs yeux, j'ai vu un tas de sentiments très forts. P. m'a expliqué n'avoir jamais eu peur, n'être jamais descendu d'un bus bondé, n'avoir jamais renoncé à rien.
Mais il m'a aussi expliqué la tristesse de ce jour où il a décidé d'être rapatrié en Allemagne, au moment de la guerre en Iraq, quand Israël était menacé d'une attaque chimique.

Il travaillait avec des survivants de l'Holocauste. Et il m'a dit être anéanti quand il les as vus avec des masques à gaz. Ils étaient dans les camps. Et maintenant, ils ont à nouveau peur d'une attaque chimique. Et, lorsque sa famille et son organisation faisaient pression pour qu'il se fasse rappatrier, les gens dont ils s'occupaient lui disaient simplement : "Ne rentre pas, on sait que si tu rentres, ça veut dire que la situation est grave et que l'on va être attaqués".

Quand à D., il est resté (P. n'est rentré que 10 jours). Sa petite amie israélienne était ici. Il n'a pas songé une seconde à rentrer. Elle était ici, à l'armée. "Je ne vais pas fuir". Résultat, elle était à la base, tous les Allemands avaient été rappatriés. Il était seul, avec un masque à gaz qu'il ne savait pas utiliser, dans son appartement de Yaffo.

Et c'est marrant, en me racontant ça, D. m'a expliqué à quel point sa grand-mère insistait pour qu'il rentre lui-aussi. Pas ses parents, non, sa grand-mère. Hier, minuit, en plein Tel-Aviv, j'ai jeté un oeil sur la jeunesse israélienne, et je n'ai pas voulu penser à cette grand-mère. Et à ce qu'elle avait été, elle, pendant cette autre guerre.

Aucun commentaire: