jeudi, mars 22, 2007

Un séder de Pessah... pas comme les autres


L'ulpan (école d'hébreu) où je vais tous les matins a pour tradition de faire, chaque année juste avant les vacances de Pessah (Pâcques juive), un séder "exemple". Le séder est le "rituel" que l'on réalise en famille le premier soir de la fête en lisant la Hagada (histoire de la sortie des juifs de l'esclavage en Egypte).
Maintenant que j'ai resitué le contexte, je dois vous parler du séder auquel j'ai assisté hier. Des centaines et des centaines d'élèves de 18 à 80 ans (tous apprennent l'hébreu) étaient assis dans une salle immense. D'absolument partout dans le monde, de tous âges, de tous backgrounds, nous étions là, assis, à célébrer notre seul point commun : notre présence en Israël.
Juifs ou pas juifs. Les fêtes ne sont plus en Israël une histoire de pratique religieuse mais bien de culture nationale. En l'occurence, pendant Pessah, nous ne mangeons pas de farine et tout ce qui a levé pour nous souvenir que nous sommes partis en précipitation d'Egypte et que nous n'avons pas eu le temps de faire lever le pain. Alors, dès maintenant, les étagères de supermarchés se remplissent de produits "Cacher LéPessah".
Hier, face à cette célébration incroyable, j'étais émue. Et encore plus. Pour la première fois, je lis la Hagada en la comprenant un peu (maintenant que je comprends l'hébreu), je chante en comprenant les paroles. Et je me trouve plongée au milieu d'une culture israélienne complexe. Dans laquelle je cherche des repères. Une Hatikva (hymne israélien) solennelle et bruyante. Rien à ajouter à ce spectacle d'espoir de renouveau.

mardi, mars 20, 2007

Parlons... à l'impératif !


Hier, je parlais avec ma cousine au téléphone lorsqu'elle m'a demandé : et ton hébreu alors ?
A coup de 5 heures de cours par jour, pendant 6 mois, c'est certain, je parle mieux que lorsque je suis arrivée en août dernier.
Ma cousine était ici en stage jusqu'à septembre dernier. Et nous nous sommes souvenues ensemble de la première fois où nous avions réalisé que les Israéliens parlaient à l'impératif !
Pas de "s'il vous plaît", pas de "excusez-moi", aucune formule de politesse n'encadre ces phrases jetées en tous sens à l'impératif.
Dis-moi
Donne-moi
Fais-moi une faveur
Arrête-moi (dans le taxi collectif)
etc...
Et, hier soir, sur skype, j'ai réalisé que ce qui me choquait l'été dernier, était quasiment passé dans mes habitudes d'expression aujourd'hui. En hébreu, je parle moi aussi à l'impératif.
Gare au retour en Europe...

Heureusement je ne suis pas de celles qui parlent en français comme elles parlent en hébreu (j'en ai connu...). La langue française se marie très mal avec le manque de politesse, elle devient vite agressive. Alors que l'hébreu, même lorsque la conversation est banale, dénuée de tout conflit, sonne, aux oreilles de celui qui ne parle pas la langue, comme une dispute animée...

lundi, mars 19, 2007

Mais pourquoi à cette période précisément ?


Hier, avachis sur les canapés d'un bar très tel-avivien rue Lilienblum, nous avons abordé un sujet pour le moins intéressant : mais pourquoi êtes-vous venus, pourquoi à cette période ?

Je ne m'adressais évidemment pas à la foule de gens venus de tous les pays pour un tas de raisons différentes (échange universitaire, alya, petit/e copain/ine en Israël, ulpan...). Non, je parlais à D., mon pote allemand ainsi qu'à P., le pote de D. venu lui rendre visite pour deux semaines.

En septembre 2002, quand des bombes explosaient de partout en Israël, les deux jeunes gens -non juifs, les juifs ashkénazes en Allemagne sont dispensés de service - alors âgés de 19 ou 20 ans ont décidé de faire leur service civil en terre promise.

En Allemagne, le service militaire est obligatoire pour les garçons. Au lieu de s'enrôler dans l'armée, les jeunes peuvent décider un service civile à l'étranger. Plus court. Non militaire. On comprend leur enthousiasme.

Oui mais voilà, prendre la décision de venir passer une année en Israël quand les bombes sautent, c'est un choix que je n'aurais, moi-même, pas fait. Et pourtant, mon amour pour Israël est irrationnel.

Alors je leur ai demandé à D. et à P.
Je leur ai dit que je comprenais bien les raisons qui les avaient amenés ici théoriquement. Mais je leur ai aussi dit qu'en pratique, ça me paraissait invraisemblable que de jeunes garçons prennent une décison pareille.
Et au fond de leurs yeux, j'ai vu un tas de sentiments très forts. P. m'a expliqué n'avoir jamais eu peur, n'être jamais descendu d'un bus bondé, n'avoir jamais renoncé à rien.
Mais il m'a aussi expliqué la tristesse de ce jour où il a décidé d'être rapatrié en Allemagne, au moment de la guerre en Iraq, quand Israël était menacé d'une attaque chimique.

Il travaillait avec des survivants de l'Holocauste. Et il m'a dit être anéanti quand il les as vus avec des masques à gaz. Ils étaient dans les camps. Et maintenant, ils ont à nouveau peur d'une attaque chimique. Et, lorsque sa famille et son organisation faisaient pression pour qu'il se fasse rappatrier, les gens dont ils s'occupaient lui disaient simplement : "Ne rentre pas, on sait que si tu rentres, ça veut dire que la situation est grave et que l'on va être attaqués".

Quand à D., il est resté (P. n'est rentré que 10 jours). Sa petite amie israélienne était ici. Il n'a pas songé une seconde à rentrer. Elle était ici, à l'armée. "Je ne vais pas fuir". Résultat, elle était à la base, tous les Allemands avaient été rappatriés. Il était seul, avec un masque à gaz qu'il ne savait pas utiliser, dans son appartement de Yaffo.

Et c'est marrant, en me racontant ça, D. m'a expliqué à quel point sa grand-mère insistait pour qu'il rentre lui-aussi. Pas ses parents, non, sa grand-mère. Hier, minuit, en plein Tel-Aviv, j'ai jeté un oeil sur la jeunesse israélienne, et je n'ai pas voulu penser à cette grand-mère. Et à ce qu'elle avait été, elle, pendant cette autre guerre.

dimanche, mars 18, 2007

Vaut mieux pas t'attacher...


Les gens, ici, viennent, partent, fuient, en parlent, inventent, reviennent en vacances...

"Alya, pas alya (montée - on dit des juifs habitant hors d'Israël qu'ils montent lorsqu'ils décident de prendre la nationalité israélienne) la réalité, c'est l'immigration". D'après le psychologue que S. a consulté ici, la première difficulté dans une vie, c'est la perte de l'un des parents. La deuxième, c'est l'immigration. Caché derrière un idéal de sionisme, c'est pourtant bien ce que l'agence juive vous vend...

Réunis à l'occasion du retour de l'une d'entre nous pour la France, nous avons parlé alya, touriste, processus symbolique et réalité à l'arrivée.
Bilan : sur six personnes, deux étaient déjà israéliennes, deux ont pour projet de le devenir, l'un part en Chine, l'autre rentre en France.

Et pour être honnête, j'ai adoré me retrouver entre Français. Ca ne m'était pas arrivé depuis si longtemps, de parler un Français correct en me forçant à préciser ma pensée au lieu de balancer les premiers mots qui me viennent à l'esprit en disant "tu comprends ce que je veux dire".

Quand je suis arrivée ici il y a sept mois exactement, j'ai voulu me détacher du monde dans lequel je vivais pour mieux m'intégrer. Et évidemment pour moi, cela passait aussi par un apprentissage rigoureux de la langue, l'hébreu.

Mais maintenant que j'ai fait mes premiers pas - après m'être cassé la gueule un nombre incalculable de fois - je retourne de temps à autre vers mon univers. Ce que j'en trouve ici. Un petit groupe de personnes qui parlent ma langue, qui comprennent les nuances dans chacune de mes formulations.

C'est simple. Mais attention de ne pas se laisser aller.
Dès demain, je retourne à l'hébreu, à l'anglais mais surtout à la Colombie, à l'Afrique du Sud, à la Lettonie, au Danemark, aux Etats-Unis et autres pays dont je n'ai pu voir que des images glacées sur les pages des magazines.

Trouver sa balance... entre le familier et le tout neuf.

vendredi, mars 16, 2007

La fiancée syrienne et autres absurdités

Après avoir laissé pendant quelques mois ce blog à l'abandon, je viens vous faire part de mes impressions après avoir vu le film La fiancée syrienne.

Absurdités en cascade et incompréhensions et dénonciatons. Je suis restée scotchée par la fin de cette histoire de mariage profondément lugubre.

Rappelons les faits. Mona habite dans un village qui se trouve dans le Golan, zone qui appartient à Israël depuis 67. A cet endroit, vivent de nombreux druzes qui sont pour la plupart pro-syriens. Ils pensent donc qu'Israël devrait restituer à la Syrie le plateau du Golan et considèrent qu'ils habitent en Syrie et non pas en Israël.

Mais la réalité est là. Le Golan, c'est Israël. Ce qui signifie, en pratique que si un Druze décide de passer la frontière, il doit abandonner son identité en route, perd sa nationalité israélienne pour prendre la nationalité syrienne.

C'est dans ce contexte que la famille de Mona décide qu'elle va se marier avec l'un de ses cousins éloignés, en Syrie. Pour devenir sa femme, elle devra donc quitter à jamais sa famille. Rappelons que dans ces histoires de mariage arrangé, la mariée ne connaît pas son futur mari autrement qu'en photo.


Les absurdités bureaucratiques et la difficulté de la situation sont parfaitement transcrites dans le film par un mouvement de va-et-vient personnalisé par une jeune fille de l'ONU qui balade entre la Syrie et Israël l'autorisation de passage de la future mariée.

Mais au-delà de ces dénonciations aigres, une question très simple m'est venue à l'esprit. Comment peut-on laisser sa fille/soeur/cousine partir à jamais faire sa vie avec un homme qu'elle ne connaît pas et que l'on ne connaît pas non plus ?

Comment peut-on, au nom d'un soi-disant bon parti, arranger à sa fille un mariage amer sur une frontière aride ? Comment peut-on simplement se séparer de l'être le plus cher que l'on ait et signer que l'on ne verra jamais plus ni elle ni ses enfants à naître ? Comment peut-on ...

Alors, face à une décision qu'elle-même ne semble comprendre qu'à moitié, Mona, superbe en robe blanche, passe la frontière laissant tout derrière elle. Comme c'est trop dur. Elle ne dira même pas au revoir et s'enfuira quand les autres ont le dos tourné.